saac en avait ainsi décidé : aujourd'hui, il ne travaillerait pas. Il tirait cet avantage de son insupportable caractère - il se croyait tout permis et n'avait pas envie d'obéir au moindre planning strict et précis. S'il devait décider de prendre des vacances du jour au lendemain, il le ferait, et mal avisé serait celui qui chercherait à l'en empêcher. Même si au fond, son "travail" tenait plus du loisir qu'autre chose, c'était un peu comme vivre son quotidien et être payé en plus du reste. Si ce n'est qu'Isaac avait tendance à laisser ses victimes - qui d'un seul coup se croyaient parfaitement consentantes - en vie après s'être occupé d'elle. Est-ce qu'il allait s'en chercher une ce soir-là ? pour son simple goût personnel ? Il n'était pas encore décidé, à vrai dire. Pour ceci comme pour bien d'autres choses, il se laissait simplement porter par le courant, avec le plaisir certain de ne pas connaître sa destination mais de pouvoir décider de la direction qu'il prendrait le moment venu.
Il ne savait pas vraiment ce qu'il faisait dans le Bronx, il s'était laissé porté par une intuition. Les mains dans les poches, il guettait sa prochaine cible, ou simplement un endroit où il apprécierait de se poser un moment, savourant l'agitation ambiante, le courant qui entraîne inexorablement les uns et les autres à travers le torrent de la vie. Et finalement, il jeta son dévolu sur un bar qui semblait assez confortable, occupé sans être bondé. Il fit un pas à l'intérieur et comprit presque aussitôt que son instinct l'avait bien guidé puisqu'il reconnut une silhouette familière installée au comptoir.
Il s'agissait d'Alex. Plantureuse Alex qui elle, clairement, n'avait aucun besoin du moindre pouvoir pour aimanter à elle tous ceux qu'elle désirerait. Il s'était toujours senti beaucoup d'affinités avec elle, sans doute parce que leurs parcours étaient très similaires... et leurs tempéraments, également, s'assortissaient plutôt parfaitement. Voilà un moment qu'il n'avait pas eu l'occasion de passer du temps en sa compagnie. En somme : c'était parfait, pile ce qu'il devait et voulait attendre d'une soirée telle que celle-ci. Reléguer l'ennui à plus tard, toujours. Mais Isaac se targuait de ne jamais s'ennuyer.
-Alex, quel plaisir de te voir, il lui adressa un sourire et déposa une bise sur sa joue - attention au faux mouvement fatal. Tu es resplendissante. Tu vas bien ? J'ai l'impression qu'on ne s'est pas vus depuis une éternité.
Une éternité suffisamment longue pour qu'il soit passé à côté de tout ce qu'il aurait dû pouvoir suivre de la vie mouvementée de son amie. Isaac, très centré sur lui-même, avait la fâcheuse tendance à ne pas se focaliser sur le destin des autres. Et comme lui-même n'avait pas été touché par le mal qu'avaient subis tant de ses camarades mutants, il avait eu tendance à ne vraiment pas se soucier de toute cette affaire.
La situation s’arrangeait, oui, la mort n’était plus aussi proche et les événements qui avaient eu lieu pouvaient maintenant être rangés dans les mauvais souvenir. Mais Alex n’avait pas spécialement le sentiment de savoir sur… quelle route elle se trouvait à présent. La jeune femme avait toujours eu envie de donner le sentiment qu’elle savait parfaitement ce qu’elle savait, qu’elle avait les choses en main, mais force lui était de constater que ce n’était pas du tout le cas. Sans ses repères, sans son pilier, elle ne savait pas où aller, elle ne savait pas comment s’en sortir.
Elle allait mieux, beaucoup mieux. Sur la fin, elle avait fini par se dire qu’il n’allait pas y avoir de solution et que le mieux était sans doute de simplement se laisser mourir, sachant qu’elle ne méritait que ça surement. Mais Hydra avait fourni l’antidote, qu’elle avait donné à Magnéto pour qu’il puisse soigner ses proches, quand de son côté, c’était Hydra elle-même qui l’avait soigné. Mais à quel prix ? Ils savaient ce qu’elle avait cherché à faire, ils avaient tenté de la piéger, elle se disait que le mieux était sans doute qu’elle ne travaille plus pour eux, au final ils pouvaient même peut-être la tuer puisque Magnéto n’avait plus confiance en elle. Mais… non, ils ne la tuaient pas, ils voulaient qu’elle continue de travailler pour eux, sans être un agent double pour la confrérie bien sûr. Ils voulaient qu’elle trahisse définitivement Magnéto, l’homme qui l’avait pourtant sorti de l’horreur dans sa jeunesse, qui lui avait donné la possibilité de vivre. Mais ce même homme qu’elle avait déçu dans tous les cas et qui n’aurait plus aucune confiance en elle.
Elle était perdue donc, elle ne savait pas comment sa vie allait être maintenant. Devait-elle suivre Strass aveuglément et oublier les mutants ? Ou devait-elle prendre le risque de se mettre l’Hydra sur le dos pour retrouver une place qu’elle n’aurait peut-être pas auprès de Magnéto. Bref, elle se sentait complètement perdue et puisqu’elle avait un semblant de liberté et qu’elle se sentait physiquement mieux… elle décida d’aller boire un verre en solitaire dans un bar. La jeune femme devait toujours se montrer discrète, mais elle avait juste besoin d’aller se changer les idées. Et visiblement, c’était la meilleure décision de sa vie.
Parce qu’un homme entra dans le bar et s’approcha d’elle. Quand elle le vit, Alex afficha un grand sourire en reconnaissant Isaac, qu’elle avait le sentiment de ne pas avoir vu depuis… eh bien une éternité. Et visiblement, le plaisir était partagé, puisque l’homme la salua en affirmant qu’il était heureux de la voir, déposant un baiser sur sa joue. Rien qu’une seconde et elle se sentait déjà si bien…
« Eh bien, je crois que c’est parce que ça fait une éternité qu’on ne s’est pas vu Isaac. » Ou tout comme en soit, parce qu’avec tous les derniers événements, Alex avait le sentiment qu’il s’était passé des années et des années. « J’ai… j’ai eu des derniers mois un peu compliqués, mais ça va beaucoup mieux. » Physiquement du moins, elle revivait très clairement. « Et toi alors ? Qu’est-ce que tu deviens ? »
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lex lui confirma que c'était bel et bien une éternité qui séparait cet instant de celui de leur précédente rencontre. Pas de gêne d'un côté comme de l'autre à ce sujet, ils n'étaient pas de nature à se tenir rigueur à ce sujet. Ils avaient de leur amitié la même vision, ils n'attendaient pas des nouvelles constantes et pouvaient bien passer des mois sans se voir ni se parler, cela n'empêcherait pas leurs échanges d'être cordiaux au moment de se retrouver, et en l'occurrence, c'était le cas.
Ce qui importait, ce n'était pas tant ce silence qui faisait qu'ils étaient bien peu informés sur leurs vies respectives, mais le plaisir de se voir, de se parler, et de se mettre à jour sur ces dites informations, justement. Alors oui, qu'importe qu'il se soit agi d'une éternité. S'ils avaient une éternité à rattraper, au moins n'auraient-ils pas à s'inquiéter de n'avoir rien à se dire. Et cela, c'était une certitude. Des choses à se dire, ils en avaient plus d'une. Ou en tout cas, Isaac avait plus d'un wagon à rattraper, à l'évidence.
Elle avait eu des mois un peu compliqués, lui dit-elle, et quand elle prononçait ces mots, Isaac songeait qu'il devrait peut-être en savoir quelque chose, mais le fait est qu'il n'en savait rien. C'était un peu comme s'il arrivait après la bataille. Il n'avait pas été à ses côtés quand elle avait vécu des moments éprouvants, et à présent que ces moments étaient passés, il revenait comme une fleur sans rien savoir de ce dont il retournait.
Il n'oubliait pas ce discours où rien n'était dit, et pour la peine, il n'avait pas tant envie de parler de lui-même. D'autant qu'à son propre sujet, il n'y avait définitivement pas grand-chose à dire : la vie d'Isaac suivait son cours, et Isaac demeurait fidèle à lui-même. Convaincu de son sentiment d'irréductibilité, Isaac avait tendance à penser que rien ne pouvait l'atteindre. C'était faux, bien sûr, mais se croire invincible aidait à l'être, au moins un peu.
-Eh bien, la vie suit son cours, je dirais. En toute honnêteté, une éternité a beau s'être écoulée, il ne s'est rien passé de vraiment particulier en ce qui me concerne, et tant mieux, tu sais comme j'ai horreur des déconvenues... même si certaines savent être plus séduisantes que d'autres. Il marqua une pause. Mais parlons de toi, plutôt. Qu'est-ce que tu entends par "mois compliqués" ? Qu'est-ce qui t'est arrivé ?
Elle allait peut-être lui reprocher de ne pas avoir été suffisamment attentif à son sort, mais qu'importe. Il voulait savoir, à présent. Et il espérait bien qu'elle ne lui épargnerait aucun détail.
Alex apprécia d’entendre que du côté de Isaac, la vie suivait son cours. Il lui apprit que malgré le fait qu’il y avait eu long moment entre aujourd’hui et la dernière fois qu’ils avaient eu l’occasion de se croiser, il ne s’était pas passé grand-chose de particulier dans sa vie. Ce qu’il appréciait particulièrement. En effet, Alex savait que Isaac était le genre d’homme à apprécier d’avoir en main sa vie, de ne pas à devoir gérer des déconvenues. Sur ce point, ils étaient pareils. Sur ce point et de nombreux d’autres d’ailleurs, c’était bien pour cela que les deux mutants parvenaient à s’entendre si bien.
En tout cas donc, Isaac n’avait pas grand-chose à raconter de son côté, alors il décida de revenir sur la vie d’Alex, qui avait mentionné qu’elle avait eu des mois compliqués. La jeune femme ne reprochait en aucun cas à son amie de ne pas tout à fait comprendre ce qu’elle voulait dire, parce qu’en même temps, ce n’était pas facile à suivre. Et de son côté, s’il était arrivé quelque chose à Isaac, Alex n’en aurait rien su de toute évidence.
« Tu as entendus parler de l’épée de Damoclès au-dessus de la tête des mutants ? » Une sacrée épée d’ailleurs, de sacrées emmerdes. Alex se disait que Isaac en avait au moins entendu parler, même s’il était possible qu’il n’ait pas été directement touché par tout ça. Si c’était le cas, elle en serait ravie pour lui clairement, parce qu’elle ne souhaitait ça à personne, pas même à son pire ennemi. Même si aujourd’hui, la situation était légèrement plus calme et qu’il y avait un remède, tout était beaucoup plus tendu concernant les mutants. « Tu sais, ça a commencé par le président qui est mort assassiné, ensuite une étrange maladie qui ne touchaient que les mutants et tout le bordel qui a suivi. » Le fait que les mutants étaient la cible de la haine des humains, un peu plus que d’ordinaire encore, comme s’ils avaient eu besoin. Ces centres destinés à soigner les mutants en leur enlevant leurs pouvoirs, histoire de faire d’eux des personnes acceptables pour les humaines encore une fois. Ces fichus humains qui pensaient pouvoir décider de leur destin, qui avait peur d’eux parce qu’ils se savaient inférieur. « Les personnes pour qui je travailles m’ont demandé de m’occuper du premier point, du coup… je me suis mise pas mal de monde à dos. Et de leur côté, ils sont responsables du deuxième point, dont j’ai été mois même victime. Alors, je ne sais pas vraiment ce qu’ils cherchaient là-dedans, surtout qu’ensuite ils ont transmis l’antidote contre la maladie. » Ce n’était peut-être pas le lieu de parler de tout cela, mais elle n’allait pas non plus se retenir de se confier à son ami. « Enfin, bon, tu te doutes bien que des déconvenues, j’en ai eu pas mal dernièrement. »
À choisir, Alex se disait qu’elle aurait peut-être juste pu se contenter de dire que tout allait bien pour profiter de l’instant présent avec Isaac, mais elle ne savait pas prétendre avec les personnes qui tenaient pour elle.
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saac pouvait parfois vivre en dehors des réalités, ce n'était tout de même pas au point qu'il n'ait pas eu connaissance de cette épée de Damoclès qui avait en effet pesé au-dessus de la tête de nombreux mutants. Le fait est seulement qu'il n'avait pas été touché par cet état de fait, et pour cause, lui-même n'avait guère était touché par ce mal qui avait semblé affecté tant de mutants. Egoïste, ce qui ne le touchait pas directement - ou indirectement - ne l'intéressait pas outre mesure, il en était donc resté là et avait continué le cours de sa vie sans en demander davantage et sans songer à se renseigner davantage sur les éventuelles implications pour les mutants de sa connaissance.
Grâce à Alex, il allait avoir le droit à une sacrée mise à jour, et non des moindres, et il était probablement temps, en réalité, car le jeune homme était certainement depuis trop longtemps confortablement installé avec ses oeillères. Ce qui ne le concernait pas ne l'intéressait pas franchement, certes, mais ce qui concernait Alex l'intéressait tout de même bien davantage, et il avait envie de savoir ce qu'il pouvait bien en être à son sujet.
Isaac écouta Alex partager son histoire avec grande attention et sans l'interrompre une seule fois. De sa part, c'était un effort, et ça en disait long sur la considération qu'il avait pour son interlocutrice. Il n'aurait pas fait cet effort avec beaucoup d'autres, mais il appréciait sincèrement Alex, et il voyait bien que cette situation l'avait touchée et était encore difficile pour elle, même si le plus dur était peut-être derrière elle à présent. Quand lui-même n'avait pas du tout été en plein coeur de l'histoire, ce n'était absolument pas le cas d'Alex qui, de son coté, s'était retrouvée la cible de feux nourris et avait été contrainte de faire avec.
-Et comment toute cette affaire s'est résolue ? demanda Isaac, toujours curieux. Car de ce que son interlocutrice lui disait, il ne trouvait rien de rassurant, et il se demandait sincèrement comment elle avait réussi à s'en sortir comme ça avait l'air d'être le cas. Car c'était bien ce qu'elle avait suggéré tout à l'heure, n'est-ce pas ? C'était en tout cas ce qu'il en avait retenu de son côté, et il ne pensait pas se tromper à ce sujet. Tu avais l'air de dire que les choses allaient mieux, maintenant.
Et il connaissait Alex, si vraiment elle était toujours dans la merde, elle ne passerait pas par quatre chemins pour le dire, elle le dirait, tout simplement, et sans hésitation, donc si elle affirmait cela, c'est qu'il devait très clairement y avoir quelque chose, et Isaac voulait savoir quoi, à présent.
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Sam 10 Oct - 23:19
